Son intention, avec le recul, était assez claire, plusieurs mois avant l’invasion. Il est apparu ainsi à M. Eltchaninoff, l’auteur français. “La religion de la guerre s’était installée”, a-t-il dit. “Poutine avait remplacé le réel par un mythe.”
Mais pourquoi maintenant ? L’Occident, avait conclu M. Poutine depuis longtemps, était faible, divisé, décadent, livré à la consommation privée et à la promiscuité. L’Allemagne avait un nouveau chef et la France une élection imminente. Le partenariat avec la Chine avait été cimenté. De faibles renseignements l’ont persuadé que les troupes russes seraient accueillies comme des libérateurs dans de larges pans de l’est de l’Ukraine, au moins. Covid-19, a déclaré M. Bagger, “lui avait donné un sentiment d’urgence, ce temps était compté”.
M. Hollande, l’ancien président, avait une explication plus simple : « Poutine était ivre de son succès. Ces dernières années, il a énormément gagné. En Crimée, en Syrie, en Biélorussie, en Afrique, au Kazakhstan. « Poutine se dit : ‘J’avance partout. Où suis-je en retraite ? Nulle part!'”
Ce n’est plus le cas. D’un seul coup, M. Poutine a galvanisé l’OTAN, mis fin à la neutralité suisse et au pacifisme allemand d’après-guerre, uni une Union européenne souvent fragmentée, entravé l’économie russe pour les années à venir, provoqué un exode massif de Russes instruits et renforcé ce qu’il niait lui-même. n’avait jamais existé, d’une manière qui s’avérera indélébile : la nationalité ukrainienne. Il a été déjoué par l’agile et courageux président ukrainien, Volodymyr Zelensky, un homme dont il s’est moqué.
“Il a annulé d’un coup les réalisations de sa présidence”, a déclaré M. Gabuev, chercheur principal de Carnegie Moscou, actuellement à Istanbul. Pour M. Hollande, « M. Poutine a commis l’irrémédiable.
Certes, il n’est pas facile d’envisager un chemin de retour. Le président Biden a qualifié M. Poutine de « brute », de « criminel de guerre » et de « tueur ». Pourtant, le dirigeant russe conserve de profondes réserves de soutien en Russie et un contrôle étroit sur ses services de sécurité.
Ce pouvoir corrompt est bien connu. Une distance immense semble séparer celui qui a conquis le Bundestag en 2001 par un discours conciliant et le chef de gueule fustigeant les « traîtres nationaux » séduits par l’Occident qui « ne peuvent se passer du foie gras, des huîtres ou du soi-disant genre libertés », comme il l’a dit dans son discours de racailles et de traîtres ce mois-ci. Si la guerre nucléaire reste une possibilité lointaine, elle est beaucoup moins lointaine qu’il y a un mois – un sujet de conversations régulières à table à travers l’Europe alors que M. Poutine poursuit la « dénazification » d’un pays dont le chef est juif.
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